Le choix d’une paire de chaussures de luxe a découragé plus d’un homme face à une offre abondante et des styles variés. Reconnaître la qualité est difficile car des pièges vous attendent à chaque pas, mais c’est loin d’être impossible : il suffit de connaître les bon critères comme le montage, l’aspect du cuir ou encore le type de tannage. Quant aux différents modèles de chaussures adaptés à chaque circonstance, quelques grands principes sur les degrés de formalité vont vous guider, infographie à l’appui.
On dit que ceux qui ont l’expérience du monde, que ce soit lié à leurs obligations professionnelles ou à leur milieu, affirment que 3 choses permettent de juger un homme au premier regard : sa voiture, sa montre et sa paire de chaussures.
Ces éléments conditionneraient de facto une idée que l’on se fait d’autrui. Une montre Breitling, par exemple, renvoie à l’univers de l’aviation et peut être interprétée comme un signe d’ambition et une envie de repousser les limites ; voyez aussi notre article sur les univers de Jaeger et Rolex.
Au sujet des chaussures, Mark Twain disait :
« On peut dire beaucoup de choses des gens en regardant leurs chaussures. Où ils vont. Où ils sont allés. »
Il est vrai que cet élément du vestiaire masculin est souvent oublié. On ne regarde pas d’abord les pieds des gens ; ce prolongement du pantalon est bien moins visible que la tenue elle-même. Pourtant, l’élégance, la qualité, le caractère approprié et l’entretien des chaussures se remarquent.
Nous nous limiterons ici au cas des chaussures formelles, qui est à la fois le plus fréquent en milieu professionnel et dans les circonstances où l’apparence compte plus que jamais (réceptions, événements, …). Ce sont aussi celles qui, tout simplement, sont les chaussures élégantes par excellence. Voici comment choisir les paires de qualité qui seront appropriées à vos besoins : types, couleurs, marques, degré de formalité…
I. Comment reconnaître une vraie chaussure de qualité ?
Le prix et les marques, 2 critères illusoires
La qualité d’une chaussure n’est pas son prix, bien que des matériaux nobles et l’excellence artisanale en aient un. La plupart des hommes, surtout s’ils ne sont pas des milieux de la mode ou ne sont tout simplement guère intéressés par le soin à porter aux apparences, pensent qu’un prix élevé est synonyme de chaussure de luxe d’excellente qualité pouvant durer plusieurs années.
La chose est malheureusement plus complexe : le prix de certaines paires de marques prestigieuses se justifie plus par les dépenses marketing des marques en question que par le soin accordé à la fabrication (sans nier qu’elles puissent être supérieures à des Bexley ou Loding, mais pas au niveau de marques comme Crockett & Jones ou J. M. Weston d’un prix équivalent sinon inférieur).
Se fier aux marques de luxe les plus connues et dont ce n’est pas la spécialité comme Dior ou Vuitton n’est pas non plus gage de qualité exceptionnelle. Elles disposent parfois de gammes variées de chaussures, mais n’excellent en réalité que dans un seul type. C’est par exemple le cas des mocassins chez Gucci, et encore seulement la collection mythique Mors. D’autres sont franchement à fuir, comme les chaussures pour homme Louis Vuitton qui selon certains avis sont très loin d’être à la hauteur de la maroquinerie (semelles mêlant cuir et gomme, fabrication dans des pays à main d’oeuvre bon marché, et la question de savoir si c’est encore une maison chic…).
Pour des prix proches, vous aurez (vraiment) beaucoup mieux chez en vous fiant à cette sélection de chausseurs spécialisés :
- J. M. Weston, que l’on ne présente plus : il s’agit tout simplement du Louis Vuitton de la chaussure
- Berluti, également très renommé
- Crockett & Jones : une maison plus confidentielle et pointue, très réputée
- Edward Green, le chausseur d’excellence
- Jacques et Déméter, une jeune maison française d’authentiques passionnés mettant l’accent sur l’excellence artisanale
Notez que pour les marques les plus connues comme Weston et Berluti, il vous est loisible de les comparer en vous rendant dans un grand magasin comme les Galeries Lafayette ou le Printemps Haussmann. Pour une appréciation seulement visuelle qui vous permettra de découvrir les modèles, vous pouvez vous rendre sur le site d’Upper Shoes.
D’autres grands noms seraient à citer comme Corthay ou Laszlo Vass, mais retenez que rien ne vaut un véritable chausseur.
6 critères de qualité d’une chaussure
Voici les points clés que vous pouvez contrôler, demander aux vendeurs ou sur lesquels vous devrez vous renseigner si vous achetez en ligne :
1.Une peau impeccable
Un cuir de qualité n’a pas de veines apparentes, de piqûres d’insectes ou des cicatrices ; il vous appartient de l’inspecter. Généralement, c’est le signe d’un animal en bonne santé ayant vécu dans de bonnes conditions d’élevage. Bien sûr, une peau parfaite est rare ; cependant, un prix supérieur à 500€ justifie la sélection de ses plus belles parties, et la fabrication de chaussures sur-mesure exige presque une peau entière pour une seule paire.
Pour le nubuck, les imperfections sont visuellement moins évidentes. L’astuce consiste à passer le doigt dessus en vérifiant que le cuir soit ras et fin, et que le passage de votre doigt laisse une trace nette.
2. Un cuir pleine fleur
Pour une chaussure de luxe formelle, le cuir doit absolument être pleine fleur, c’est-à-dire qu’il s’agira de la peau de l’animal au naturel. Poncée légèrement pour effacer certains défauts, on parlera de fleur corrigée ; poncée davantage, y compris dans les pires cas avec des produits chimiques, il s’agira de croûte de cuir, plus fine et fragile et obtenue à partir des pires peaux (ce qui peut aussi aller de pair avec mauvaises conditions d’élevage…).
Les chausseurs cités ci-dessus mettent un point d’honneur à utiliser du cuir pleine fleur. Cependant, si vous poussez la porte d’une boutique ou voyez sur Internet une maison inconnue, il faudra prendre la peine de vérifier. Si la matière première n’est pas de la meilleure qualité, qu’en sera-t-il du reste ?
3. Un tannage de préférence végétal
Le tannage consiste à transformer la peau de l’animal en cuir grâce à des tanins. Il existe 2 grandes façons de procéder, expliquées en détails dans cet article :
- le tannage minéral, rapide, pas cher et polluant : ce procédé chimique, utilisé dans l’immense majorité des chaussures « mainstream », mais pas que, requiert l’usage de sels de chrome. Il peut être très bien réalisé, néanmoins il s’agit d’un polluant très toxique. C’est malheureusement pourquoi il est à 80% réalisé dans des pays pauvres dont il participe à la pollution des eaux et dans des conditions peu scrupuleuses à l’égard des Droits de l’Homme.
- le tannage végétal, plus authentique et respectueux de l’environnement : il emploie les tanins d’écorce de châtaignier, de chêne, de certaines feuilles et baies. Le procédé est bien plus long : 30 jours en moyenne, mais jusqu’à 12-18 mois s’il est « extra-lent » pour rendre le cuir plus souple et plus imperméable. Par contre, le cuir vieillit beaucoup mieux (mais il faudra l’entretenir davantage…).
Parfois, le tannage est « mixte », car il faut avouer que le tannage minéral produit des effets sur le cuir impossibles à obtenir avec un tannage végétal. Mais dans tous les cas, renseignez-vous avant votre achat : une belle paire de chaussures doit nécessairement avoir un tannage au moins mixte et idéalement purement végétal.
4. Un pays d’origine cohérent
Vous ne devriez avoir d’yeux que pour 4 pays d’origine qui sont gage de qualité, de main-d’oeuvre qualifiée et d’un encadrement législatif suffisant aussi bien sur l’environnement, les conditions de travail et les normes de fabrication :
- Royaume-Uni
- Italie (plutôt pour les chaussures moins formelles comme les mocassins)
- France
- Japon (spécialisé dans le sur-mesure)
5. Un montage ou cousu de qualité (Blake ou Goodyear)
On parle de cousu au sujet de l’assemblage de la semelle et du reste de la chaussure. Un soulier de luxe pour homme ne pouvant avoir une semelle simplement collée, il sera donc question des différentes qualités des coutures de celle-ci. Il en existe 3 principaux :
- cousu Blake : plus simple, moins cher à réaliser, il permet aussi de construire des chaussures fines et celles-ci sont moins rigides. Par contre, il sera impossible de ressemeler les chaussures à l’infini, et ce type de montage reste moins solide que les suivants. Pour les chaussures de luxe italiennes, le cousu Bolognais est une variante proche du Blake qui rend les chaussures plus souples ; en revanche, il est moins solide.
- cousu Goodyear : plus solide et nécessitant plus de savoir-faire, il est également plus étanche et permet un ressemelage. Mais il est un peu moins élégant et il faut plus de temps pour « faire » les chaussures (voir plus bas).
- cousu norvégien : rare, très complexe et parfaitement étanche, il est aussi plus apparent et en conséquent moins adapté aux chaussures formelles.
Vous lirez peut-être que l’un est meilleur que l’autre dans l’absolu. Cela n’est pas si sûr, chacun étant plus adapté à certaines chaussures que d’autres. Et mieux vaut un excellent montage Blake qu’un Goodyear médiocre… Normalement, un montage complexe comme le Goodyear est plus cher, il est donc normal que vous constatiez une différence de prix.
Vidéo montrant un montage Goodyear, réalisée pour la marque premium J. M. Weston (à partir de la 7ème minute).
Pour la qualité du cuir, du tannage, du montage et le pays d’origine, n’hésitez pas à lire les indications (étiquette, descriptif…) ou à demander au vendeur.
6. Qualité des coutures et des finitions
Cela va sans dire, mais vous devez avoir l’oeil et le sens du détail, ce qui est tout à fait légitime s’agissant du choix de chaussures de luxe. Ceci vaut aussi bien pour l’aspect extérieur que pour l’intérieur du soulier.
Faut-il avoir recours au sur-mesure ?
Ce n’est pas une obligation, cependant le sur-mesure a des avantages certains par rapport à l’habituel prêt-à-chausser (PAC). Avant toute chose, il ne faut pas le confondre avec le Made To Order (MTO). Voici ce qui caractérise celui-ci :
- vos pieds sont mesurés afin de déterminer leur demie-pointure exacte
- vous choisissez le type de cuir, la couleur, le type de semelles
- vous patientez en général 3 à 4 mois
En revanche, le sur-mesure va beaucoup plus loin, pour des prix à partir de 2000€ :
- prise de mesures, discussion du style et des attentes
- un artisan va réaliser une forme unique
- vous essayez une première paire non aboutie qui permettra de procéder aux derniers ajustements
- vous patientez jusqu’à un an pour obtenir votre paire
Ce sont aussi les seules chaussures véritablement fabriquées à la main. Voici les principaux avantages :
- des cuirs de qualité incomparable, souvent supérieure même aux meilleurs souliers PAC
- des chaussures exactement adaptées à la morphologie de votre pied
- des plis d’usage appelés plis d’aisance au niveau de l’articulation beaucoup moins marqués
Il ne fait pas de doutes que l’on parle ici d’excellence absolue et les artisans y parvenant sont rares. Cependant, les délais sont très longs et si la morphologie de vos pieds le permet, il se peut que le simple PAC ou le MOT vous conviennent parfaitement. Il s’agira donc plutôt d’une affaire de besoins ou de passion.
II. Quelles chaussures choisir ?
Il est très rare, même dans les pays chauds, de se rendre à un enterrement en mocassins et qui plus est de couleur vive ; il est incongru de se rendre à un apéritif plutôt informel en richelieus noires « one cut » (d’une seule pièce de cuir), les plus formelles de toutes, visiblement plus appropriées à un mariage ou à une occasion solennelle. Mais si les exemples extrêmes sont clairs, les nuances plus fines le sont moins.
Des chaussures pour chaque degré de formalité
Le plus important à saisir est que le degré de formalité se joue principalement sur 3 axes :
- type de chaussures : des plus formelles, les richelieus, au moins formelles que sont les mocassins
- embouts et perforations : moins de discrétion et plus d’originalité riment avec moins de formalité
- couleur : du plus sombre, pour le très formel, au plus clair, en passant par le marron qui est polyvalent
Voici une simple et excellente infographie que nous avons trouvé sur le blog pour hommes Jamais Vulgaire :
C’est en maîtrisant ces 3 points, applicables d’ailleurs à d’autres éléments du vestiaire, qu’il est ensuite possible de s’affranchir des codes. L’adaptation aux milieux fréquentés, notamment s’il s’agit des milieux artistiques ou de la mode, influera évidemment sur les choix. Si vous n’êtes pas dans l’art ou la mode, par exemple, vous devriez probablement oublier les monks à plusieurs boucles, les pièces de cuir de plusieurs couleurs et les perforations trop exubérantes…
Cérémonie, travail et casual
Il s’agit des 3 grands environnements qui correspondent dans la plupart des cas aux 3 lignes de l’infographie précédente :
- cérémonie : idéalement, quasiment toujours des richelieus, noirs, d’une seule pièce pour les très grandes cérémonies
- travail : en général des derby lorsque l’on est jeune cadre, noires pour un pantalon noir et marrons pour les autres couleurs. Mais les nuances s’appliquent selon l’expérience et les responsabilités, par exemple les fonctions de direction impliquent souvent plutôt des richelieus, mais pas les plus formels, plutôt ceux à bout droit et marrons (sauf si le pantalon est noir). Certaines activités ont implicitement leur niveau de formalité, plus élevé par exemple dans le secteur bancaire et plus relâché dans le secteur du web.
- cadres informels / casual : il s’agit des modèles en bas de tableau, à adapter plutôt en fonction des tenues que des circonstances et qui, selon les activités et les fréquentations, pourront mener aux chaussures casual chic comme certaines sneackers ou au « working shoes » (chaussures hautes et robustes dont l’emblème est Timberland).
Le bon sens mais surtout l’expérience en la matière restent irremplaçables, et les circonstances, trop nombreuses pour être listées de manière exhaustive. Par exemple, une soirée de mariage devrait impliquer des richelieus, mais si elle a lieu sur un bateau, l’idéal serait de changer de tenue avant la soirée pour porter des mocassins… sauf si le tempérament du propriétaire impose plus de formalité. L’un des principes de base pourrait être « à Rome, l’on fait comme les Romains »; mais si nous nous retrouvions au milieu de barbares, devrions-nous là aussi faire comme eux ?
Nous vous recommandons fortement la lecture de cet article qui fait le point sur les différents types de chaussures formelles et leur degré de formalité si vous ne savez pas vraiment lesquelles s’adaptent aux tenues et circonstances.
Si vous ne deviez vous procurer que 2 paires, optez de préférence pour :
- des richelieus marron foncé à bout droit pour le travail, perforées de manière discrète : ce sont les plus polyvalentes et elle conviennent à toutes les couleurs de pantalon (sauf le noir). Elles pourront aussi s’accommoder d’une tenue « casual chic »
- des richelieus noires « one cut » pour les cérémonies et les grandes occasions (et donc le port du pantalon noir)
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Sources et prolongements (francophones) :
- L’article doit beaucoup au blog de la marque Jacques et Déméter, qui propose à peu près les seuls articles francophones sérieux et de qualité sur les différents aspect du port et de la fabrication de chaussures formelles. Si vous souhaitez approfondir votre connaissance des chaussures de qualité, n’hésitez pas à le consulter.
- Le blog Jamais Vulgaire, qui dispose notamment d’une bonne infographie sur les types de chaussures formelles, est intéressant notamment au sujet des circonstances du port.
- De nombreux blogs de mode masculine comme Bonne Gueule ou Comme Un Camion proposent régulièrement des tests et ne se limitent pas aux chaussures formelles, mais nécessitent l’intelligence du choix des chaussures pour en faire une lecture critique et s’adressent à un très large public.
Mon chéri n’aime pas vraiment porter des chaussures classiques, mais j’aimerais tout de même qu’il en ait une paire ! J’aime beaucoup la paire de Richelieu et de Derbys !