Devenus au fil des collections de véritables oeuvres d’art, les talons aiguilles ne cessent d’impressionner par leur exubérance. Mais à côté du talent et de la fantaisie indéniables de leurs créateurs se joue quelque chose de profond sur notre rapport au luxe : en marge des collections de masse, un retour à la grande tradition. Alors, enfilez vos Louboutin et prenons ensemble un peu de hauteur sur la question !
Les plus belles créations
Notre rapport aux talons
Au 18ème siècle, les talons étaient réservés à la noblesse pour la différencier du « bas peuple ». Au contraire, les talons se sont effacés peu à peu pendant la période révolutionnaire parallèlement à une certaine égalisation des conditions. Ils n’ont réellement été de retour qu’à la fin du 19ème siècle, et presque seulement pour les femmes. En 1950, les talons aiguille furent inventés en Italie.
Objet typiquement féminin et associé à des fantasmes sexuels, ils connaissent un immense succès en dépit des critiques récurrentes de féministes qui y voient un symbole de la « femme-objet » et de l’asservissement (parce que marcher avec est contraignant) et non pas un moyen de sublimer la féminité. Mais tout ceci n’est peut-être que malentendu, du moins s’agissant des talons aiguilles de luxe.
La recherche de la perfection et le côté artistique des dernières créations sont souvent qualifiés d’extravagantes, sans oublier de souligner que celles-ci ne sont pas commodes à porter. Paradoxalement, il s’agit tout simplement d’un retour à la haute tradition du luxe du début du 19ème siècle :
- à l’exclusivité, à l’exceptionnel et au sur-mesure
- à l’objet de luxe qui est non pas facile et confortable comme un jean et des baskets, mais hautement symbolique et difficile à porter, comme l’étaient les tenues d’époque dont le corset fut l’un des emblèmes.
La conjugaison des deux est signe d’une résurgence d’une certaine aristocratie mondiale dont les tenues et les talons n’ont rien de « casual » et sont contraignantes. C’est précisément la contrainte imposée par le talon qui rend cet objet si symbolique du luxe. Dans cet esprit, Christian Louboutin a parfaitement raison d’affirmer que les femmes trouvant ses escarpins trop hauts pour marcher avec ne sont tout simplement pas de sa clientèle.
Car la question est ailleurs : d’une part celle de l’art et du sublime, d’autre part celle de l’aristocratie n’ayant pas besoin d’habits et de chaussures confortables pour aller travailler. Fût-ce une façon de prendre cette posture à côté d’une vie entièrement vouée au travail : dans le luxe, c’est au-delà du travail, moyen de satisfaire les besoins et de profiter de la vie, que la personne se réalise et se libère.
Lorsque vous portez des talons, vous n’élevez donc pas seulement votre corps, ne donnez pas seulement plus d’élancement à votre silhouette pour la rendre plus attirante : vous affirmez aussi votre esprit et vous élevez dans un élan de liberté.