Dom Pérignon et Cristal Roederer sont de fait les noms les plus mythiques du champagne. Le premier est la cuvée prestige de Moët & Chandon devenue une marque à part entière, le second, la cuvée d’exception de chez Louis Roederer.
Personne, sauf par posture, n’opterait exclusivement pour l’un au détriment de l’autre. Certes, selon les lieux du monde, l’un obtiendra plus de faveurs. Un exemple bien connu concerne le Cristal :
- en France, sa consommation reste considérée plus prestigieuse et moins convenue que le Dom Pérignon
- aux Etats-Unis, notamment sur la côte Ouest, il est parfois méprisé par les personnes de goût parce que les rappeurs aiment à l’associer à leur style de vie « bling-bling » et subversif
Comme le disait Blaise Pascal, « Vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà ». Ce qui reste certain, c’est que le produit lui-même demeure dans les deux cas rare, d’une très grande qualité et représente une fine-fleur chacun dans son genre. Aussi, il s’agira ici plutôt d’une description de l’expérience procurée par chacun et les circonstances dans lesquelles il est sublimé, que d’un comparatif en règle devant déboucher sur une préférence au mieux subjective, au pire péremptoire et dénuée de sens.
Dom Pérignon : le champagne par excellence
Exclusivement millésimé, ce champagne reste la référence dans le monde entier. Il faut systématiquement attendre au moins 10 ans avant de pouvoir se procurer la cuvée d’une année particulière ; elle peut même s’avérer largement réservée à l’avance (ainsi vous pouvez le faire dès à présent pour la 2004 sur ce site du groupe Moët Hennessy).
Même si la version rosée est aujourd’hui de mode, notamment du fait de l’association avec de grands artistes contemporains comme Jeff Koons ou David Lynch pour la réalisation des bouteilles et des emballages, ce n’est pas elle qui retiendra le plus notre attention. Comme expliqué dans notre guide du champagne, la réalisation d’un excellent rosé reste délicate et en dépit d’un très bon produit, notre préférence ira plutôt à une maison spécialisée dans ce type de champagne, par exemple en nous tournant vers l’Alexandra de Laurent Perrier.
Par contre, le Dom Pérignon historique reste une référence en matière d’équilibre de l’assemblage. La finesse de ses bulles tranche clairement avec d’autres champagnes de qualité mais moins nobles, de même que sa longueur en bouche. Chaque millésime développe certains arômes particuliers, mais l’on peut dire dans l’ensemble que les notes sont plutôt puissantes et la texture à la fois dense et légère. Il s’agit, en quelque sorte, du champagne classique de luxe par excellence.
En conséquent, outre la dégustation pour lui-même comme le mérite tout vin d’exception, il accompagnera particulièrement bien l’ensemble d’un repas ou d’un cocktail, surtout si les fruits de mer sont à l’honneur, ou pourra n’être servi qu’au moment de l’apéritif.
Voici les meilleures années, dont les spécificités sont décrites dans cette section du site officiel :
- Vintage (cuvées classiques) : 1959, 1962, 1978, 1982, 1988, 1990, 1996, 2000, 2003, 2004. Pour les années antérieures très difficiles à trouver comme 1921, elles sont uniquement vendues aux enchères, notamment chez Christie’s.
- Rosé : 1990, 1996, 1998, 2000, 2002, 2004 (probablement)
- Oenothèque (2ème ou 3ème pic de maturité atteint par une cuvée, où la complexité ou l’intensité sont optimisées) : 1996 pour le vintage, 1993 pour le rosé
Cristal Roederer : douceur et élégance
Créée en 1876 à l’attention du tsar Alexandre II, il s’agit incontestablement de la plus belle cuvée de la maison Louis Roederer. L’originalité de la bouteille est son fond plat et incolore, permettant une très bonne visibilité du contenu et rassurant le tsar qui craignait en permanence d’être empoisonné. La maison Roederer restera le fournisseur officiel de la cour jusqu’au dernier tsar de Russie, Nicolas II. La fameuse bouteille en cristal porte encore aujourd’hui les armoiries du souverain russe.
Le champagne est composé tout comme le Dom Pérignon d’un assemblage de pinot noir (60%) et de chardonnay (40%), et doit lui aussi se consommer au moins 10 ans après la récolte, le résultat en reste radicalement différent. Cristal Roederer est un vin de garde, il peut se consommer jusqu’à 20 ans après sa mise en bouteille sans perdre de sa fraîcheur.
Dès l’ouverture de la bouteille, les effluves de brioche, d’amande et de fruits jaunes comme l’abricot s’échappent et se diffusent tout autour de la table. D’une très belle longueur en bouche, il développe des arômes à la fois fruités et minéraux d’une grande douceur. Certaines cuvées peuvent même donner l’impression qu’il s’agirait comme d’un sauternes pétillant. Cette expérience rare et troublante explique en partie des prix dans l’ensemble plus élevés que son concurrent.
Le mieux reste de le déguster sans accompagnement. Toutefois, la langouste ou les saint-jacques, ainsi que certains desserts mettant en oeuvre les arômes précédents, seront un très bon choix d’accord.
Les meilleurs millésimes qu’il est encore possible de se procurer sont 1979, 1990, 1996 et 2002. 2004 est également une cuvée de qualité bien qu’elle n’atteigne pas l’excellence de 2002. Elle vous offrira de belles nuances de caramel et de vanille ainsi que des notes de fruits mûrs.
Sachez qu’il existe aussi une version rosé, obtenue par une méthode de saignée après une macération à froid. Tout en émettant les quelques réserves présentées ci-dessus, celles-ci seront cependant atténuées. En effet, ce champagne si particulier ne peut que produire un breuvage d’exception une fois assemblé à du vin rouge, méritant sans doute plus le détour que le rosé Dom Pérignon en comparaison plus « convenu ». Les bouteilles de 2006 devraient pouvoir vous séduire par leur caractère frais et soyeux.
Notre avis
Si les deux sont incontournables, le Cristal reste selon nous plus surprenant et élégant que le Dom Pérignon, et d’une personnalité plus forte. Celle-ci a d’ailleurs un revers : le dégustateur peu averti pourra se trouver déconcerté et juger, un peu déçu, qu’il ne s’agit pas vraiment d’un champagne. Au contraire, le Dom Pérignon ne fait aucun doute et comblera les attentes de tout un chacun.
L’on pourra également juger que le Cristal conviendra mieux à la gent féminine à cause de ses arômes sucrés et moins sombres.
Une chose est sûre : il faut avoir goûté les deux pour comprendre et apprécier les différences.
Très bel article, merci à vous !
Ce sont deux cuvées de champagne d’exception, mais aux caractères très distincts. Vous avez très bien résumé leurs spécificités et ce qui en fait des champagnes d’exception.
Personnellement je préfère le Cristal grâce à ses notes fruitées et son goût frais, tandis que mon compagnon préfère le Dom Pérignon… Mais il est clair que tout amateur doit avoir goûté les deux !
Après notre avis peut dépendre des millésimes, le Dom Pérignon 2002 m’a beaucoup plu justement pas ses saveurs fruitées, même si pour le même millésime, le Cristal 2002 est encore au-dessus à mon goût…
En autre champagne d’exception, on peut citer également la cuvée Vieilles Vignes Françaises de Bollinger, mais il est encore plus fort que le Dom Pérignon, un style vraiment unique qu’il faut aimer… Il y a tellement de subtilités d’une cuvée et d’une maison à l’autre, il faudrait pouvoir goûter chaque bouteille ! 😉